Prévu ce 18 juin, a priori, le rendez-vous salarial entre le ministère de l’Action et des comptes publics et les neuf organisations syndicales de fonctionnaires, dont l’UIAFP-FO, devrait traduire concrètement l’axe que le gouvernement entend donner à l’évolution des salaires des quelque 5,4 millions d’agents des trois versants de la fonction publique (État, territoriale, hospitalière) en 2019.
Les agents publics bénéficieront-ils d’une revalorisation substantielle de leur traitement indiciaire (basé sur le point d’indice servant au calcul de tous les salaires des agents) ? Rien n’est moins sûr. En effet, le gouvernement a d’ores et déjà donné des signaux contraires. Le point a été gelé pour 2018, cela alors que le pouvoir d’achat des agents a reculé de 16% depuis 2000.
En décembre 2016, les fonctionnaires FO avaient réalisé quelques statistiques aux résultats concrets et édifiants. Ainsi la perte de pouvoir d’achat entre 2000 et 2015 pour un agent de catégorie C (la plus basse) s’établissait à 3 500 euros par an. Elle était de 1 300 euros/an entre 2010 et 2015. Pour un agent de catégorie B (catégorie intermédiaire), la perte s’établissait à 4 600 euros/an entre 2000 et 2015. 1 700 euros/an sur 2010-2015. Pour la catégorie A (la plus haute, les cadres) la perte s’élevait à 7 850 euros/an sur 2000-2015, 2 900 euros/an entre 2010 et 2015. Depuis, les mesures adoptées dont le nouveau gel appliqué au point d’indice ont exacerbé cette perte de pouvoir d’achat.
Le carcan
Le recul du pouvoir d’achat constaté actuellement est dû aussi à un précédent gel entre 2010 et 2015 auquel a succédé une revalorisation pour le moins minime étalée sur 2016-2017 (+0,6% en juillet 2016 et +0,6% en février 2017). Le recul provient aussi de la hausse du taux de cotisation pour pension ou encore, paramètre de poids, de l’absence de valorisation des grilles indiciaires.
Celles-ci ont été toilettées dans le cadre du PPCR (protocole d’accord sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations), rejeté par trois syndicats (FO, CGT, Solidaires) mais imposé en 2015 par le gouvernement. Ce PPCR a repris des mesures de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social… Cette loi découle des accords sur le « dialogue social » adoptés le 2 juin 2008 dans la fonction publique, non signés par FO mais paraphés par six organisations (CGT, CFDT, FSU, UNSA, CGC et Solidaires)... Ces accords dits de « accords de Bercy » étaient eux-mêmes la transposition au secteur public de la « position commune » sur la représentativité syndicale, combattue par FO mais signée en avril 2008 par le patronat (Medef et CGPME) et les syndicats CGT et CFDT.
Comme les autres années depuis 2016, le rendez-vous salarial de ce printemps 2018 se situe donc dans le cadre, pour ne pas dire le carcan, du PPCR lequel prévoit des négociations triennales sur les orientations en matière d’évolution des rémunérations et des carrières et un rendez-vous salarial annuel, en guise de « bilan d’étape » avec au besoin des « mesures d’ajustement ».
La machine à faire des économies
Ce cadre, impose, entre autres, de prendre en compte des paramètres macroéconomiques telle la croissance, l’inflation ou encore l’évolution globale des salaires en fonction de l’ancienneté des agents (GVT)… A plusieurs reprises déjà, les fonctionnaires FO ont rappelé que cet indicateur de progression dans la carrière (le glissement vieillesse technicité) donc en ancienneté, ne doit pas être considéré comme un marqueur de la progression salariale.
Refusant en 2015 de signer le PPCR, les fonctionnaires FO soulignaient alors que ce protocole n’était qu’une machine à faire des économies. La suite des événements a montré s’il en était besoin la justesse du propos.
L’effet des menues revalorisations obtenues par le toilettage des grilles (toilettage qui s’étirera jusqu’en 2020) dans le cadre du PPCR (lequel ne faisait que promettre une progression de carrière sur deux grades…) est pour le moins neutralisé par un net allongement de la durée de carrière. Les revalorisations variant selon les catégories de personnels (A, B, C) d’une trentaine d’euros (pour un agent de catégorie C en début de carrière) à quelque 130 euros brut (pour un agent de catégorie A en fin de carrière en 2020) sont en effet anéanties par l’allongement de carrière programmé.
Le PPCR a entraîné l’allongement des carrières
Rappelant sa revendication d’un rattrapage immédiat du pouvoir d’achat, d’un démarrage de la grille au minimum à 120% du Smic mais aussi sa demande d’une amplitude plus importante (coefficient multiplicateur de six) entre le haut et le bas de la grille indiciaire ou encore l’attribution de 50 points pour tous les agents, l’UIAFP-FO résumait en 2015 : cet allongement des durées de carrières autofinance une revalorisation en trompe l’œil.
Cerise sur le gâteau, au nom des économies budgétaires à réaliser, le Gouvernement a décidé de repousser à 2019 les mesures PPCR prévues en 2018 (pour un montant d’environ 800 millions d’euros). Alors que les salaires indiciaires sont gelés, les agents ne bénéficieront donc même pas des quelques minces revalorisations promises.
Autres éléments à charge contre ce PPCR et pesant sur les carrières et donc sur la possibilité de progression salariale des agents ? Les taux de promus/promouvables (possibilité de promotions) ont été réduits, les réductions de temps de service supprimées... Pire, la modification des grilles accompagnée d’une transformation plus que modique de primes en points d’indice n’a pas apporté aux agents l’amélioration vantée par le gouvernement. Les agents se sont vu attribuer en effet moins de points que ce qu’ils auraient pu obtenir en gravissant simplement les échelons selon l’ancienne formule, ante PPCR.
Impact sur les pensions
Le gel du point et l’absence de réelle rénovation des grilles indiciaires pèsent donc lourd dans la perte de pouvoir d’achat des agents. Depuis l’automne dernier, le gouvernement a ajouté des mesures qui ne peuvent qu’enfoncer encore ce pouvoir d’achat. Il a ainsi remis en vigueur le jour de carence pour maladie et a organisé une compensation insatisfaisante (et balisée seulement jusqu’en 2019) de la hausse du taux de CSG mise en œuvre depuis le 1er janvier dernier.
A mettre aussi au bilan de cet ensemble de mesures qui ne cessent de plomber le pouvoir d’achat, l’impact négatif sur les pensions. Conséquences des différentes réformes, les agents reculent de plus en plus leur départ en retraite. Le niveau de la pension affiche lui une tendance à la baisse. Le taux de remplacement faiblit, ce qui renvoie notamment à la part plus ou moins importante des primes dans la rémunération et bien sûr à l’absence de progression substantielle des salaires.
La revendication : une augmentation générale des salaires
Alors que le gouvernement indique vouloir développer la part au mérite dans le salaire et non le traitement indiciaire –velléité à laquelle les fonctionnaires s’opposent dont l’UIAFP-FO–, le PPCR a déjà imprimé ses effets. La transformation en points de certaines primes a entraîné des situations d’inégalité entre les agents et plus largement s’insurge FO cette transformation des primes en points est notoirement insuffisante pour pouvoir évoquer honnêtement une revalorisation des traitements indiciaires.
Entré en vigueur progressivement depuis 2016, la réforme (toujours partiellement appliquée) Rifseep portant sur le régime indemnitaire (à l’État et à la territoriale) participe aussi d’une volonté des employeurs publics d’individualiser davantage encore le salaire des agents. Le Rifseep –qui remplace la plupart des primes et indemnités et succède à la PFR– est composé d’une « Indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise » (IFSE) versée mensuellement et basée sur les fonctions exercées par l’agent. A cela s’ajoute un « Complément indemnitaire annuel » (CIA) facultatif et censé mesurer l’engagement professionnel, soit le mérite. Le paramètre est forcément difficile à quantifier et source de nouvelles inégalités…
Au-delà de cette réforme et des nombreuses mesures malmenant actuellement les salaires des agents, les fonctionnaires FO rappellent l’importance du traitement indiciaire, traduisant la notion de carrière et inscrit au statut général de la fonction publique. Ils rappellent aussi que geler le point d’indice aujourd’hui, c’est baisser les pensions de demain… Pour les fonctionnaires FO, il s’agit donc de maintenir plus que jamais la revendication d’une augmentation générale des salaires.