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STATUTS ADOPTÉS par le CONGRÈS CONSTITUTIF de la Confédération Générale du Travail FORCE OUVRIÈRE (C.G.T.F.O.) du 12 & 13 avril 1948

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1947-1948) La naissance de la CGT-FO : le contexte international

Paris. Les militaires remplacent les boueux en grève. 1947

Tensions sociales accrues en France dans un contexte international particulièrement explosif. C’est dans cet environnement que la CGT-FO voit le jour.

En 1947 la France est toujours exsangue, marquée par les destructions de la guerre. Le rationnement est toujours drastique et l’inflation mange les salaires. Le 2 janvier, le gouvernement Blum baisse autoritairement les prix de 5%. Deux mois plus tard, son successeur, Paul Ramadier, lui aussi socialiste de la SFIO, fera de même. Mais pour la classe ouvrière, fatiguée de ces privations, cela ne suffit pas. D’autant que les premiers 280 millions d’aide américaine du plan Marshall, sous forme de marchandises, n’arriveront qu’au printemps 1948.

La colère gronde. Début février des grèves éclatent dans la fonction publique, la presse et les ports. Mais c’est de la Régie Renault que viendra l’étincelle. Le 24 avril les chaînes de montage s’arrêtent et les grévistes demandent de substantielles augmentations de salaires. Le lendemain, la direction communiste de la CGT dénonce cette grève venue de la base. Vu que le mouvement prend, elle finit par le rallier le 30 avril. Cette grève menée par des militants que l’on retrouvera dans les rangs de la jeune CGT-FO un an plus tard est victorieuse.

Profitant de la situation et sur instruction de Moscou, Maurice Thorez, le Secrétaire général du PCF, pense que l’heure est venue de pousser Ramadier à la démission et d’entrer en masse au gouvernement. Mais « l’ami des chats », tel est le surnom de ce vieux socialiste à la barbichette, n’est pas homme à capituler. Il passe à la contre-offensive. Alors que le 4 mai au matin, le PCF demande la levée du blocage des salaires, dans l’après-midi, Ramadier obtient le vote de confiance à l’Assemblée nationale. À 21h30, un dimanche, il convoque le Conseil des ministres et annonce le renvoi des cinq ministres communistes, car ils n’avaient pas voté la confiance au parlement. Les dés sont jetés. La guerre froide vient de faire son entrée en France.

L’affrontement
Désormais tout est en place pour un affrontement entre les communistes et le gouvernement au plan politique, mais aussi au plan syndical au sein de la CGT dont une partie des membres, « les amis de FO » refusent la stalinisation de la confédération. L’ensemble du mois de juin est marqué par des grèves très suivies : boulangeries, cheminots, gaziers-électriciens, banques, mines. Tous protestent contre des rationnements qui n’en finissent plus (lait, vin, sucre, chocolat, 200 grammes de pain), contre l’inflation et le blocage des salaires.

Le 27 juillet, de Gaulle, qui a fondé son Rassemblement du peuple français (RPF) trois mois plus tôt, traite les communistes de séparatistes au service d’une colossale hégémonie. Aux municipales d’octobre son jeune parti fait un carton : 39% des voix, alors que la SFIO et le PCF restent stables dans leurs bastions.

Le 13 novembre 1947, la CGT demande un salaire minimum à 10 800 francs par mois et les mineurs du Nord sont les premiers à cesser le travail. Le 19, la Confédération lance la grève générale dans la métallurgie. Fatigué, « l’ami des chats » démissionne, remplacé par le chrétien-démocrate Robert Schuman. Le 27, la France est paralysée : grève totale dans les mines, les ports, la métallurgie, le bâtiment ; partielle à la SNCF, les PTT et EDF-GDF. Le gouvernement rappelle 80 000 réservistes de l’armée pour épauler les CRS épuisés tant les manifestations deviennent de plus en plus violentes. Le PCF est à la manœuvre pour faire tomber le gouvernement et y revenir en force. Comme le notent Léon Jouhaux et ses amis de la minorité du Bureau confédéral, à l’évidence ces grèves prennent un caractère purement politique. Le gouvernement ne recule pas et finalement le travail reprend le 9 décembre. Le salaire minimum est cependant porté à 10 500 francs.

Le vendredi 19 décembre 1947, dans l’après-midi, Léon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Pierre Neumeyer et Georges Delamarre remettent leur démission au deuxième secrétaire de la CGT, le communiste Benoît Frachon. Les dés sont jetés. L’aventure de la CGT-FO peut commencer. Elle tiendra son premier congrès constitutif les 12 et 13 avril 1948, sans les enseignants qui ont choisi le 26 mars de retourner à l’autonomie syndicale et fonder la FEN.

Dans les colonies les choses commencent à se gâter. En février 1947, l’armée française reprend le nord du pays aux hommes d’Ho Chi Minh et commence à s’engluer dans la guerre d’Indochine. Un mois plus tard, les indépendantistes malgaches se révoltent. La répression, peu connue encore aujourd’hui, sera terrible : plus de 80 000 morts. Quant à l’Algérie, en septembre, elle obtient un statut de départements à autonomie financière, ni assimilationniste, ni indépendantiste, avec une citoyenneté à deux niveaux. Tous les ingrédients de la future guerre d’Algérie sont en place.

Christophe Chiclet
Journaliste à L’inFO militante

 

La résistance ouvrière se réalise dans la Sécurité sociale

Georges Buisson (1878-1946).

Deux ans avant la naissance officielle de la CGT-FO, des camarades, déjà réunis au sein du journal Résistance Ouvrière, posaient les jalons de notre Sécurité sociale, une sécu désormais attaquée de toutes parts, comme elle le fut aussi à sa création.

Dès le 26 juillet 1945, Résistance Ouvrière, l’ancêtre de notre journal, annonçait le rapport sur la Sécurité sociale dont était chargé Georges Buisson (1878-1946), précisant que les ambitions du syndicaliste étaient déjà attaquées par l’Assemblée consultative : […] Le gouvernement, cédant à la pression conjuguée des caisses patronales de compensation et des associations familiales, a accepté de différer l’intégration des allocations familiales dans l’ensemble de la Sécurité sociale. Ceux qui allaient fonder quelques mois plus tard la CGT-FO se battaient déjà pour le principe de la caisse unique.

Derrière Buisson, ils veulent une caisse unique de sécurité sociale, regroupant l’Assurance maladie, l’Assurance vieillesse et les allocations familiales, c’est-à-dire une solidarité par construction entre les générations.

L’alliance des contraires
Le PCF et le MRP (démocrate-chrétien), membres du gouvernement de Gaulle, vont essayer de vider de leur contenu les ordonnances du 4 octobre 1945. Les « cathos » veulent des caisses d’allocations familiales autonomes par rapport à la « Sécu ». Le PCF leur emboîte le pas. Ambroise Croizat, ministre communiste du Travail, fait passer des deux tiers à la moitié la proportion des représentants salariés dans les conseils d’administration des caisses d’allocations familiales. Il s’agit alors pour le PCF de prendre systématiquement le contre-pied des mesures défendues par les amis de Georges Buisson. Henri Raynaud, autre cadre communiste important dans la direction de la CGT d’après-guerre, va réussir à obtenir l’autonomie administrative et financière des « allocs » vis-à-vis de la « Sécu ».

Il faudra attendre les ordonnances de 1967 pour que cela soit réduit à néant. Quoi qu’il en soit, ce sont bien les futurs militants de la CGT-FO qui vont asseoir les bases d’une sécurité sociale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Une « sécu » que les derniers gouvernements voudraient bien tronçonner pour l’affaiblir au profit d’un système privatisé, loin du pacte social français né du programme du Conseil national de la Résistance.

Christophe Chiclet
Journaliste à L’inFO militante

Tag(s) : #CGT-FO, #statuts
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