Qui dit pause estivale dit interruption momentanée des réunions de concertation organisées depuis octobre par le gouvernement lequel veut refonder le contrat social avec les agents publics. Toutefois, cette pause ne balaye pas les craintes des neuf organisations syndicales de la fonction publique, celles de FO (inter-fédérale UIAFP-FO) notamment qui conteste fermement la volonté de l’Exécutif de concevoir un ensemble de réformes qui attaquent le statut général des fonctionnaires et visent à un désengagement de l’État sur ces missions... Ce qui se traduirait par de nouvelles suppressions d’emplois
La conception d’une réforme en quatre axes à destination de la fonction publique proposée par le ministère de l’Action et des comptes publics et intitulée « Refonder le contrat social avec les agents publics » inquiète plus que jamais. Y compris au cœur de l’été.
Le ministère cherche toujours en effet via une « concertation » à obtenir l’assentiment des syndicats sur le recours renforcé aux contractuels, le développement du salaire au mérite, la mobilité des agents y compris en concevant des mesures de départs volontaires de fonctionnaires vers le secteur privé. Il cherche aussi à obtenir leur approbation sur la réforme des instances de dialogue social, soit la restructuration par fusions des instances représentatives des personnels (IRP/comités techniques, commissions administratives paritaires, CHSCT).
Ces trois derniers mois, les organisations se sont opposées fermement à ces réformes qui constitueraient une attaque en règle contre le statut général des fonctionnaires. La contestation de a ainsi en partie motivé les appels –par FO notamment– aux journées de grèves nationales et aux manifestations dans la fonction publique les 22 mars et 22 mai dernier. Des actions massivement suivies.
L’Exécutif tente la stratégie de la co-construction avec les syndicats
Le gouvernement a toutefois décidé de maintenir ses projets de réforme attisant ainsi la colère des agents qui font face, déjà, à un gel des salaires alors que leur pouvoir d’achat a reculé de 16% depuis 2000, à une hausse du taux de CSG tout juste compensée et sans gain de pouvoir d’achat, à une remise en vigueur du jour de carence pour maladie…
Le 18 juillet le secrétaire d’État en charge de la fonction publique, M. Olivier Dussopt, a reçu les organisations pour réaliser un « bilan d’étape » sur deux des quatre chantiers de réforme : le recours aux contractuels et la réforme des IRP. Autant dire que du côté des organisations, les projets ne satisfont pas du tout et il n’est question d’aucun assentiment. Le ministère ne propose pas autre chose qu’un travail de co-construction avec les syndicats. Il y a une volonté très nette d’intégrer les organisations ce qui pose un sérieux problème s’irrite Christian Grolier, le secrétaire général de l’UIAFP-FO.
M. Dussopt souhaite ainsi que les organisations syndicales définissent avec le ministère le périmètre [des secteurs du public, NDLR] sur lequel on pourrait affecter des contractuels en lieu et place de fonctionnaires ! Selon ses propos, il faudrait construire ce périmètre ensemble et donc définir quelles missions nécessitent une présence statutaire s’indigne le militant. L’Exécutif cherche en effet à réduire la voilure de la sphère publique.
La philosophie CAP22 en action
Ce 24 juillet une circulaire du Premier ministre adressée aux ministres et aux préfets et consacrée au projet d’une prochaine réforme de l’organisation territoriale des services de l’État indique clairement que pour certaines missions, le périmètre d’action de l’État peut être allégée compte tenue de l’intervention des collectivités locales. D’autres missions seraient transférées aux opérateurs de l’État. Ce projet correspond trait pour trait à une des propositions émise par le rapport du comité Action publique 2022 (CAP22) rendu au gouvernement en ce début d’été.
L’État veut se recentrer sur son rôle de régulateur et progressivement abandonner des missions conteste l’UIAFP-FO qui s’oppose au projet. Il est même envisagé de fusionner des DDI de départements différents. Cela alors que les directions départementales interministérielles, créées en 2010 par fusions de directions interministériels ont déjà perdu plus d’un tiers de leurs effectifs. De fait, cela entraînera de nouvelles suppressions de postes et des mobilités forcées.
Pour l’UIAFP-FO Le lien avec le chantier Plan de départ volontaire discuté actuellement avec la fonction publique et évoqué à la fin de la circulaire n’est pas un hasard. De plus ces futures réorganisations ne seront pas homogènes car chaque préfet de région avec ses préfets de départements devra identifier les différentes options de réorganisations envisageables dans chaque département de sa région. Il n’y aura donc pas s’insurge FO de cohérence nationale sur l’organisation des services déconcentrés de la Fonction publique de l’État. L’égalité d’accès aux services publics sur l’ensemble du territoire est par voie de conséquence remise en cause. Des possibilités de mutualisation des fonctions support seront également offertes aux préfets à titre expérimental.
FO s’oppose au massacre des IRP
Alors que les effectifs de contractuels s’élèvent à près d’un million, le ministère souhaite néanmoins voir grossir ces effectifs de précaires. Dans le cadre de ce chantier de réforme, il propose la création d’un « contrat de mission » d’une durée de six années maximum. Cela sans aucune garantie de titularisation ultérieure ou de recrutement sous CDI indique Christian Grolier. Actuellement, les contractuels peuvent effectuer deux CDD successifs de trois ans chacun avant de pouvoir espérer être titularisés ou d’être recrutés sous CDI.
En ce qui concerne le projet de réforme des instances de dialogue social, le ministère maintient aussi son objectif : la création d’une nouvelle instance par la fusion des comités techniques (CT) et des CHSCT déplore l’UAFP-FO.
En matière de santé au travail, le ministère propose qu’en fonction d’un seuil d’effectifs qui reste à définir, soit obligatoirement créée au sein de la nouvelle instance collective [via fusion entre CT et CHSCT, NDLR] une formation spécialisée chargée de se prononcer sur ces enjeux de santé et sécurité au travail, en lieu et place de l’assemblée plénière. Concrètement résume Christian Grolier, dans ce scénario il n’y a plus d’instances dédiées à la santé au travail des fonctionnaires. Ce n’est pas un bon message pour l’employeur.
Une déclinaison de la loi Travail…
Quant aux CAP (qui s’occupent actuellement des carrières individuelles des agents et dont l’avis est obligatoire pour les promotions ou mutations) le ministère souhaite réduire leur nombre et leurs compétences. M. Dussopt propose une nouvelle organisation des commissions administratives paritaires, en les structurant au sein de l’État par catégorie hiérarchique et par employeur, à l’instar de ce qui existe dans les versants territorial et hospitalier et en supprimant les groupes hiérarchiques dans les deux autres versants. Il est essentiel de reconsidérer également le champ de leurs attributions afin d’une part de les concentrer sur les situations les plus délicates humainement, et d’autre part, de promouvoir des politiques RH de recrutement, de mobilité, d’avancement ou de promotion qui dépassent le strict périmètre des corps ou cadres d’emplois de la fonction publique.
Le secrétait d’État qui fait part de sa volonté d’une plus grande déconcentration managériale au sein de la fonction publique détaille sa visée… Nous souhaitons que soient élaborées, concertées et adoptées dans le cadre de la nouvelle instance collective, des lignes directrices de gestion sur les processus de mutation, d’avancement ou de promotion au choix des agents publics. Il y a certes des besoins spécifiques à satisfaire par corps ou cadres d’emplois mais il est essentiel que des règles communes s’imposent à tous les agents publics, et qu’une plus grande information des agents soit réalisée sur les conditions dans lesquelles leurs droits à mobilité d’une part, à promotion d’autre part, seront examinés et mis en œuvre par leur employeur.
En résumé les CAP deviendraient de simples instances de recours en matière disciplinaire s’insurge Christian Grolier. Le militant note par ailleurs que le secrétaire d’État révèle sans équivoque la source d’inspiration du ministère… M. Dussopt indique en effet qu’il se situe dans le parallélisme des formes de la loi Travail. Concrètement il propose de décliner les déréglementations issues de la loi Travail à la fonction publique. Pour l’UAFP-FO, cela est bien sûr inacceptable.
Intersyndicale de la fonction publique le 10 septembre
Alors que le ministère et les organisations devraient évoquer à la rentrée mais cette fois de manière informelle les dossiers relatifs aux contractuels et à la réforme du dialogue social, de nouvelles séances de « concertation » portant sur les deux autres chantiers (salaires au mérite et mobilité des agents) seront-elles programmées. Il y aura ensuite une pause dans les rencontres lors des élections professionnelles du 6 décembre dans la fonction publique indique Christian Grolier.
Un nouveau point d’étape portant sur les quatre chantiers de réforme devrait être organisé par le ministère au début de l’année 2019, indique le secrétaire général de l’interfédérale des fonctionnaires FO. Alors que les organisations syndicales ont rejeté cet ensemble de projets, il semble difficilement concevable explique Christian Grolier que le ministère soumette aux organisations un texte de protocole d’accord sur les quatre axes de réforme avant la rédaction des projets de loi lesquels devraient être présentés au premier semestre 2019, selon les prévisions du gouvernement.
D’ici là indique Christian Grolier, les organisations de la fonction publique dont l’UIAFP-FO se rencontreront en intersyndicale le 10 septembre. Après la journée de revendications et de mobilisations du 28 juin dernier, les fonctionnaires FO s’inscrivent plus que jamais, avec l’ensemble de l’organisation FO, dans la construction d’une prochaine et large mobilisation interprofessionnelle.